Feu et Lumières
BIOGRAPHIE ET CRITIQUES
Olivier CLEMENT

 


DES FORMES POUR FAIRE SIGNE

Sollicité en tant qu'illustrateur, Gilles Alfera est passé de plain-pied de ses préoccupations personnelles aux impératifs du MISSEL DES DIMANCHES. Et pour cause ! Ses recherches de peintre, de graveur et de poète puisent aux trésors de la spiritualité.

"Je suis un plasticien et je produis des formes qui sont celles de la tradition chrétienne".


Retrouvant les exigences d'une Église soucieuse d'art, les promoteurs du MISSEL DES DIMANCHES visent haut : nul doute que la beauté puisse aussi introduire au mystère de la foi. Même dans un livre de poche, bon marché et éphémère ? Pourquoi pas.! Renonçant au prestige du sublime l’œuvre d'art peut aussi s'insérer plus prosaïquement dans notre vie la plus quotidienne. Et pour G. Alfera, le MISSEL DES DIMANCHES en l'occurrence c'était une occasion rêvée. "J'ai apprécié surtout le côté furtif du missel. II ne représente qu'un instant, sans valeur au sens marchand du terme. Puisque le jour de Dieu c'est à tout instant maintenant, le MISSEL DES DIMANCHES est un objet adéquat pour véhiculer quelque chose de l'ordre du sacré". Et G. Alfera de faire en sorte qu'au gré des illustrations, le lecteur s'ouvre à cette présence divine. Comment ? II s'en remet d'abord à son propre cheminement qui le force à un retour aux sources. Alors que l'invention artistique s'essouffle n'est-il pas temps de la revigorer en recourant à l'héritage. En essayant de comprendre intimement ce qui pendant des millénaires a pu animer des artistes dont l'activité ordonnée se voulait servante du sacré. Telle est la vocation affirmée de G. Alfera, contemporain d'hier et d'aujourd'hui. "Je suis un plasticien et je fais des formes qui sont celles de la tradition chrétienne". Quoi de plus révélateur à cet égard que la couverture du missel ? Pour être dans l'époque avec son aspect bien géométrique et ses aplats à la N. de Staël elle n'en évoque pas moins le passé par le thème et la façon de le dramatiser. Sous nos yeux, une crypte dont on voit qu'elle est la partie la plus centrale et la plus profonde de l'église. L’impression d'être au fond d'un puits ? Peut-être. Mais s'élevant vers le clocher, un grand trait de lumière vaut à la foi élan et allant. Fini l'espace comme un non lieu sans histoire. Éclairé par le symbole il révèle sa tension secrète : là se joue le sort de l'humanité et s'ouvre la perspective du salut. A condition que l'horizontalité des possibilités humaines rencontre la verticalité de la volonté divine. La Croix comme repère entre tous. De l'art pour l'art, G. Alfera n'en a cure. Commentant son travail il paraphrase ainsi l'injonction du Christ à Thomas : "Porte la main et entre dans mon côté". Quelle étrange coïncidence avec le projet d'un artiste qui donne à voir pour mieux ouvrir à la foi : "créer des formes bienfaisantes qui disposent le fidèle". Collant aux textes jusqu'à s'en emparer parfois, les illustrations du MISSEL DES DIMANCHES 99, une trentaine au total, sont ainsi à l’œuvre.