« Ce que vous avez dit à l'oreille dans les chambres sera proclamé sur les toits »
Luc XII,3
LES CHAMBRES


Elles ont partie liée avec le mystère de la solitude et le versant intime et nocturne de nos vies. On y naît, on y aime, on y meurt.
Elles permettent un dialogue immobile avec le jour, mais surtout avec la nuit.
Les chambres sont le point fixe de notre circonférence des vingt quatre heures qui commencent ici à une heure et non à l'aube monastique. Elles sont le décalque de la ronde d'un Dieu tour à tour et à la fois : Don, Accueil, Souffle. Sa lumière « a lieu d'elle-même » (évangile de Thomas) et se révèle aux seuls c'urs dépossédés d'eux-mêmes.
C'est dans la plus ordinaire d'entre elles, nous dit encore la Bible, que l'ange, à Nazareth de Galilée, s'est penché vers une humble jeune fille.


Ainsi, ces vingt quatre chambres peuvent favoriser la rencontre du Sans Nom dans nos sociétés si habiles à compter, engranger, sélectionner plantes, animaux et humains dans une symphonie de la consommation qui s'élève d'une planète devenue sans feu ni lieu pour le Tout Autre.
Bonheur d'un moment solitaire dans les chambres où l'on monte d'une façon imprévue durant le temps de travail, où l'on se trouve soudain - sans voisin - à l'hôpital, où l'on remarque, depuis un hôtel d'aéroport, le vol silencieux des avions qui décollent !
Ferme les yeux pour abandonner robots, messages sans messagers, infos, bilans : écoute la mer, parle au vent, accepte l'absence mais envoie dinguer la souffrance.
Quitte l'engrenage des calculs pour le combat avec toi-même, avec les autres, avec l'ange.






Le lit n'est-il pas le navire d'un voyage dont nous prenons chaque nuit la pose '
Mais c'est déjà l'agonie que de remâcher la séparation, de goûter l'amertume de l'amour repoussé, de serrer les mâchoires devant la maladie et, plus encore, de distiller ces goudrons qui viennent du c'ur.
Pénètre alors dans les chambres de ce petit livre aux fenêtres sans nombre.
Je les ai entrouvertes en moi-même tout à la fois sur l'absence de Dieu et son pressentiment. Pour éviter le mode direct, j'ai recours au verdict d'une sorte de tribunal : celui de l'aube, des morts, des fontaines, ou encore de la mer.



L'abord de l'Énigme exige l'oblique.
Dans ces chambres, laisse béante ta propre fenêtre : l'angoisse et la joie ne sont-elles pas s'urs ' Puisque intérieur et extérieur coïncident, je ne t'invite pas, ici, à quelque progression, mais à parcourir une sorte de « journal déchiré » mêlant consentement à la Trinité et pugilat avec ses envoyés.
Ces temps qui sont les derniers n'ont-ils pas déserté et subverti le divin '
Il reste alors, quand il fait sombre, les blessures par l'éclair (proche ou très lointain) pour contenir ou parfois même combler la part en toi que tu persistes à nommer « l'obscur ».