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CRITIQUES
BIOGRAPHIE

Depuis près de 40 ans, Gilles Alfera poursuit sa quête d'un art symbolique. Une peinture nourrie par l'Evangile. Comme l'art roman dont il se sent héritier.


AMOUREUSE DE LA PRÉCISION, la parole du peintre est ponctuée de silences. Le temps de chercher le mot juste, l'image fidèle. Pourtant, la relative austérité, l'évident raffinement de Gilles Alfera ne dissimulent pas sa chaleur humaine. "Peindre est pour moi un art de vivre, insiste-t-il : se confier à ce que la vie donne, se convaincre qu'elle fait pour le mieux. Et peut-on la trouver belle sans la risquer ?" Après 40 ans de recherche esthétique, intellectuelle et intérieure, l'artiste sait de quoi il parle. Il sait aussi que l'art est une porte ouverte sur l'univers du spirituel, qu'il arpente en couleur par ses deux sentiers favoris: le symbole et la nature. "Avec ma vieille camionnette, raconte-t-il, je pars à l'aventure, en quête de paysages. Auxerrois, Lubéron, Corbières... je roule jusqu'à ce que se découvre la beauté, accrochée parfois à d'infimes détails: la couleur d'un sillon, le tracé d'une haie, la tension d'un arbre. Pour la saisir au plus vite sur la toile, je me recueille un moment face au motif. Mes gestes sont alors d'une grande intensité, et parfois, il me faut crier comme pour écarter ce qui pourrait "faire obstacle". Je sais l'esquisse terminée lorsqu'un merci monte à mes lèvres."
Mais c'est la peinture symbolique qui tient le plus au cœur d'Alfera. "Mon travail, explique-t-il, se place dans la continuité des millénaires d’œuvres d'art qui me précèdent et qui expriment l'Invisible par des formes symboliques et rituelles. C'est pourquoi je me sens si proche des artistes romans, dans les traces desquels je chemine." Une exploration où l'artiste sait se faire artisan. Où l'humilité, l'écoute et la louange sont inséparables de la quête du sens et de la beauté. Comme ses antiques prédécesseurs, Alfera n'aime pas trop se raconter ni commenter ce qui s'offre dans l'évidence du trait. II préfère laisser la parole à sa peinture, ou à ceux qu'elle touche. Tel le théologien orthodoxe Olivier Clément, qui y reconnaît "la démarche longtemps commune à tous les arts et à tous les métiers des civilisations "traditionnelles": celles du silence, de la lenteur, de la contemplation et du mystère dans la densité même des choses". Comment atteindre aujourd'hui une telle profondeur, une telle transparence? "Je rentre dans l'atelier dévêtu de mes soucis, témoigne le peintre, et c'est intérieurement le plus "nu" possible que je me rends disponible à l’œuvre. La "prière de l'artisan" est au mur et je m'applique à la lire lentement quand je me se sens trop distrait, trop loin du travail, poursuit il. La Grâce aime habiter ce qui est bien fait. Alors le geste du peintre soutenu parles symboles traditionnels peut devenir une consécration." Parmi ces derniers, certains sont chez lui récurrents, tels la Croix, le Cœur ou la Coupe, à la fois Graal et Calice. La Nativité illumine, de même, nombre de ses tableaux. "Au centre de mes compositions, détaillet il, le "germe divin" ordonne tout l'espace. Rayon de lumière qui transperce tous les plans de l'existence, il est le point fondamental qui donne à tout sa verticalité. J'aime revenir sur cette Réalité que j'espère voir un jour: être soi même la crèche. Le lieu de La naissance."»

Eric Vinson
Revue PRIER , décembre 2003.